De nombreuses idées reçues circulent sur le démarrage de l’allaitement après une césarienne. Montée de lait, douleurs, lien mère-enfant, etc. On fait le point sur la conduite à tenir pour mettre en place un allaitement sereinement dans ce contexte particulier de post-partum.
Cet article est basé sur mes échanges avec Véronique Darmangeat, consultante en lactation IBCLC, dans l’épisode 80 de Milkshaker.
La séparation (possible) après une césarienne met-elle en péril le démarrage de l’allaitement ?
Une césarienne est une intervention chirurgicale. Cela implique un passage en salle de réveil pour la jeune maman après la naissance de son enfant. Selon l’organisation de la maternité dans laquelle vous accouchez, ces espaces peuvent être communs à tous les blocs opératoires. Dans ce cas, le nouveau-né ne peut pas rester avec sa maman pendant ce temps. De plus, la mère peut avoir des séquelles de l’anesthésie qui la rendent indisponible. Le nouveau-né est donc généralement confié au papa. Cependant, se précipiter sur les préparations commerciales pour nourrisson est inutile. En effet, il peut attendre, sans risque, quelques heures avant de manger. Pendant ce laps de temps, il peut faire du peau à peau sur son père afin de combler son besoin de chaleur et de contact. Le petit pourra ensuite faire sa première tétée au retour de sa maman.
Si l’utilisation d’un lait artificiel est inévitable, écartez le DAL et le biberon. L’emploi d’une tasse est préférable pour ne pas perturber la succion du nouveau-né.
La montée de lait est-elle plus difficile après une césarienne ?
La césarienne en soi ne retarde pas la montée de lait. Cependant, ce sont les mises au sein et les contacts avec le bébé qui stimulent la lactation chez la maman. Or dans le cas d’une césarienne, les conséquences de celles-ci peuvent altérer la production de lait et donc le démarrage de l’allaitement de deux façons.
D’une part, lors d’une naissance par voie basse, le nourrisson est généralement très éveillé pendant les deux premières heures, puisqu’il vient de vivre une expérience unique ! Il est ainsi disponible pour exercer son réflexe de succion et stimuler la montée de lait de sa maman. Dans le cas d’une césarienne, s’il n’y a pas eu de travail, le petit sort du ventre d’une minute à l’autre. Par conséquent, il peut se trouver dans un état de somnolence, car il n’est pas passé par le processus physiologique propice aux premières tétées. Dans ce cas, favoriser les contacts en peau à peau est la meilleure option en attendant qu’il soit prêt.
D’autre part, les douleurs résultantes de la césarienne peuvent avoir un impact sur la fréquence des tétées. En effet, parce qu’elles souffrent lorsqu’elles se déplacent ou pendant les tétées, les mamans césarisées mettent moins leur nourrisson au sein.
Ce sont donc ces éléments consécutifs à la césarienne qui peuvent retarder la montée de lait. Soulager les douleurs de la mère et l’assister pour amener son nouveau-né à elle sont alors essentiels pour que le démarrage de l’allaitement après une césarienne se passe au mieux. Si le bébé tète souvent et efficacement, la maman aura du lait !
Comment anticiper le démarrage de l’allaitement en cas de césarienne programmée ?
Préparer une seringue de colostrum
Le colostrum (prémices du lait maternel très concentré et riche en protéines et nutriments) est déjà sécrété avant l’accouchement. Faire une expression manuelle pour en récolter pendant le dernier mois de la grossesse est possible ! Ce précieux liquide peut alors être congelé dans une seringue à apporter à la maternité le jour J. Ainsi, en cas de séparation votre bébé pourra être nourri rapidement sans préparation artificielle. Des précautions sont tout de même à prendre :
- Demander à la maternité en amont s’ils acceptent cette pratique.
- Limiter l’expression manuelle à une unique fois par jour, car cela peut déclencher l’accouchement. (sauf si vous le souhaitez !).
Anticiper une installation au plus près du bébé
Après une césarienne, prendre son bébé, même dans un berceau à côté du lit, peut s’avérer difficile. Pour favoriser la proximité et les tétées, avoir son petit au plus près de soi est essentiel. Cependant, garder son nourrisson dans son lit peut comporter des risques de chute. Pour cela une technique existe :
- Garder le lit incliné pour ne pas être à plat dos avec le bébé en appui ventral
- Caler vos bras au niveau des coudes avec des coussins. Ainsi, même si vous vous endormez, vous ne lâchez pas votre enfant.
- Protéger la barrière de lit (dont les barreaux sont trop larges pour un nourrisson) avec un drap. L’idéal est de le passer sous le matelas puis sur la barrière de lit des deux côtés.
Se faire aider
Le papa ou co-parent, dont le rôle est important quel que soit le type d’accouchement, est primordial en cas de césarienne. Il peut aller chercher le nourrisson, le changer et relayer la maman pour satisfaire les besoins de contact du bébé. Renseignez-vous avant la naissance sur la possibilité d’un lit supplémentaire, afin que votre partenaire passe les nuits avec vous. Si vous êtes seule, n’ayez pas peur de déranger les soignants pour qu’ils vous assistent. En cas de césarienne, ils sont indispensables pour vous aider dans le démarrage de votre allaitement.
Comment gérer les douleurs de la césarienne pendant les tétées ?
Une césarienne n’est pas un acte anodin et les douleurs post-opératoires sont normales. L’utérus a été ouvert et recousu ; la cicatrice est à la fois interne et externe.
Les tranchées post-césarienne
Ce sont les contractions de l’utérus qui ont pour fonction de l’aider à reprendre sa taille d’origine. L’allaitement participe à ce processus puisque le pic d’ocytocine pendant les tétées a pour effet de contracter l’utérus. En cas de césarienne, elles sont plus importantes, car le corps « se rattrape » de l’absence de travail pendant l’accouchement. De plus, elles se produisent sur un utérus cicatriciel donc sont douloureuses.
La cicatrice de césarienne
Les douleurs dépendent de la technique employée. Les agrafes sont souvent plus éprouvantes. Pour ne pas majorer ces douleurs, l’installation du bébé pendant l’allaitement est importante. Optez pour une position inclinée vers l’arrière avec votre petit en appui ventral, mais décalé légèrement sur le côté pour qu’il ne vienne pas presser sur la cicatrice avec ses pieds.
Les douleurs sont variables selon les femmes et durent entre 48 h et deux semaines. Si vous voulez favoriser le démarrage de votre allaitement, ne les négligez pas. Des traitements antalgiques sont possibles : s’ils ne vous sont pas proposés, demandez-les ! Ils sont compatibles avec l’allaitement et l’idéal est de les prendre en prévention.
La souffrance psychique
La césarienne, surtout si elle n’est pas programmée, provoque parfois un sentiment d’échec pour la jeune maman. Dans ce cas, l’allaitement peut être une façon de réparer cette blessure. Or, quand la mise en place est plus compliquée, c’est la double peine ! Si vous êtes dans cette situation, faites-vous accompagner par des professionnels (consultante en lactation IBCLC, sage-femme, psychologue, etc.).
Des moyens existent donc pour favoriser votre démarrage d’allaitement en cas de césarienne. De manière générale, gardez en tête que césarienne ou non, l’essentiel est d’observer son bébé, de s’écouter et de s’adapter en permanence ! 🎙️Écoutez le témoignage de Lysa Rose dans l’épisode 79 de Milkshaker